L’évaluation de l’existence ou non d’une position dominante sur le marché des applications est plus complexe que simplement se dire qu’ils n’ont que 20% des smartphones donc ne sont pas dominants… Apple ne peut vraiment pas être considérée comme un outsider. Déjà en UE, c’est plutôt de l’ordre de 30% sur les smartphone et de 50% sur les tablettes.
Ensuite, puisque le marché qu’on considère ici n’est pas celui des OS mais celui de la distribution d’applications, la part de marché des OS n’est pas forcément l’indicateur le plus pertinent : le pouvoir d’achat des utilisateurs d’iOS est en moyenne sensiblement plus élevé que celui des utilisateurs d’Android, et du coup la part de marché d’Apple sur le marché des applications est bien plus élevé que sa part en unités d’OS. Au niveau mondial, alors qu’Apple n’est qu’à environ 20% des OS, elle capte 67% des ventes d’applications en valeur, contre seulement 23% pour le Google Play.
Donc là, rien qu’en termes de parts du marché, on peut considérer qu’il y a largement position dominante.
Ensuite, juridiquement, la position dominante ne se définit de toute façon pas que par la part de marché… Un acteur est considéré comme étant en position dominante quand il a une position de puissance économique qui le rend incontournable. C’est bien le cas d’Apple : un éditeur qui ne sort pas ses applications sur iOS perd énormément de ventes, et il est donc bien économiquement contraint à sortir sur iOS, et donc à se plier aux diktats d’Apple pour avoir le droit d’être présent sur iOS.
Voilà ce que dit le site de la DGCCRF à ce sujet : « e simple constat de la forte part de marché d’une entreprise ne permet pas de conclure à lui seul à l’existence d’une position dominante. En revanche, si l’entreprise concernée dispose d’une avance technologique telle qu’elle lui permet d’augmenter ses prix sans craindre une érosion de sa clientèle, cette entreprise peut être considérée comme étant en position dominante. Il en va de même d’une entreprise qui détient des marques d’une très forte notoriété auprès des consommateurs, au point que les distributeurs ne peuvent se passer de ces marques. »
Enfin, puisque tu fait la comparaison avec Google, je rappelle quand même que Google sous Android est soumis aux mêmes obligations qu’Apple sous iOS : le DMA et le DSA s’appliquent tout autant à Google qu’à Apple. Mais forcément, sous Android ça fait moins parler, tout simplement parce que bon nombre des ouvertures à la concurrence réclamées par le DMA et le DSA étaient déjà en place sous Android à la base, ce qui fait qu’il y a eu besoin de faire nettement moins d’ajustements… Et certains ajustements imposés par ces nouvelles règlementations avaient même déjà été imposées à Google avant, par la voie judiciaire (en UE, Google a par exemple été condamné à de lourdes amendes, plusieurs milliards d’euros, pour avoir imposé aux constructeurs d’appareils Android d’installer toutes une série d’applications Google s’ils voulaient pouvoir installer le Play Store sur leurs appareils… ou encore pour avoir posé comme condition à la certification Google Play le fait de ne pas produire d’appareils sous un OS concurrent… ce qui avait par exemple posé des difficultés à Amazon pour trouver un fabricant pour ses appareils Fire OS, car ceux qui fabriquaient des appareils Android avaient peur de perdre leur certification…).