Bonjour tout le monde !
Je vous fais ce petit topic aujourd’hui pour vous expliquer un petit peu en quoi consiste la pâte thermique à métal liquide, la Conductonaut, fièrement mis en avant par Thermal Grizzly et vendu au prix exceptionnellement exorbitant de 15,000 euros le kilo.
Annonçant des performances au moins sept fois supérieure à celle des pâtes thermiques conventionnelles (73W/mk au lieu de 10 pour les meilleures conventionnelles), le secret de cette pâte réside dans le fait qu’elle utilise un alliage de Gallium, Indium et d’étain pour former un métal, le Gallium-Indium-Stannum* ou Galinstan, liquide à température ambiante. Ceci signifie que vous pouvez bénéficier de performances en terme de transfert thermique proches de celle d’un contact métal-à-métal, avec une solution liquide qui ira se loger dans les interstices les plus nanoscopiques. Le résultat est sans attente : une baisse de près de 10°C au repos et d’environ 5°C en charge (testé avec un FX-8320 à 4.6 GHz refroidit par un Noctua NH-D14).
En revanche, si vous vous procurez ce type de pâte thermique, vous serez tout d’abord accueillit par une grande feuille rouge fluo (oui oui, rouge fluo…) avec un grand “X” prenant un quart de l’espace, et écrit en grosse lettre “DO NOT USE WITH ALUMINIUM HEATSINKS”. Pourquoi donc ?
En dehors du fait que le Galinstan est un bon conducteur électrique, sachez qu’il est recommandé de n’utiliser cette pâte thermique seulement que sur un radiateur dont la base est en cuivre plaqué nickel. Vous pouvez cependant l’utiliser avec une base en cuivre, mais certainement pas avec une base en aluminium. En effet, le Galinstant contient un peu plus de 68% de Gallium. Ce métal est hautement réactif, il adore s’associer avec d’autres métaux pour former des alliages. Aussi, pour fabriquer du Galinstan, rien de plus simple ! Prenez un morceau de Gallium, mettez-le en contact avec un petit morceau d’Indium et comme par pure magie vous allez voir l’Indium liquéfier de Gallium pour former un premier alliage de Gallium-Indium. Il ne reste plus qu’à ajouter un tout petit peu d’étain pour améliorer la stabilité du mélange et voilà : vous avez fabriqué du Galinstan.
Si on vous dit clairement de ne pas utiliser cette pâte thermique avec un radiateur en aluminium, c’est parce que le Galium contenu dans la pâte thermique va s’associer avec l’aluminium pour former un nouvel alliage (qui est en fait un plaquage de Gallium sur l’aluminium). Cet alliage extrêmement instable s?effritera au moindre effort aussi infime soit-il et détruira le radiateur. En ce qui concerne les radiateurs en cuivre, il est toujours recommandé d’éviter ce genre de pâtes thermique. En effet, il va se passer la même chose que dans le cas de l’aluminium, à une échelle bien moindre certes mais cela va toujours se produire.
Se qui se passe en réalité, c’est que lorsque vous mettre deux métaux avec un potentiel électrochimique différent, la différence de potentiel va induire un courant qui va circuler entre les deux métaux. Ce principe est celui d’une batterie plomb-zinc : une anode va se corroder (oxydation) pour faire circuler un courant électrique vers une cathode où les ions métal de l’anode vont se coller, plaquant ainsi celle-ci (réduction). En clair, le métal avec le potentiel le plus faible va se corroder pour aller plaquer sur le métal avec le plus grand potentiel. De ce fait, lorsque vous utilisez du Galinstan avec un radiateur en cuivre, il va se produire le même phénomène que dans une batterie : le Gallium (potentiel électrochimique de -0.53V) va s’oxyder et venir plaquer la surface en cuivre (potentiel de 0.334V) formant un alliage de Galium-Cuivre. Au fil du temps, cette “batterie” va se “décharger” lorsque tous le Gallium aura migré vers le cuivre, formant une croûte couleur argent impossible à retirer.
La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que lorsque le plaquage de Gallium sur le cuivre couvrira la totalité de la surface du radiateur en contact avec le Galinstan, cet effet de batterie s’arrêtera car l’alliage Gallium-Cuivre formera une croûte protectrice (comme la croûte qui recouvre certains objets trouvés dans les épaves des fonds marins).
En revanche, tout n’est pas bonne nouvelle dans tout cela. Tout d’abord, il est possible que ce nouvel alliage qui recouvre maintenant votre radiateur aie des performances thermo-conductrice beaucoup moins bonne que le cuivre pur. De plus, cet alliage n’est pas aussi stable que le cuivre pur et il est même possible que celui-ci s’effrite du radiateur. Cela n’est pas une bonne nouvelle pour les radiateurs utilisant des caloducs à chambre à vapeur, car l’épaisseur du métal des caloducs est très très faible. Cela peut amener à une fuite des chambres à vapeurs ce qui peut induire des dégâts très importants dans votre machine (en dehors de la surchauffe inévitable, le liquide peut créer d’importants courts-circuits sur une pièce pouvant fonctionner avec des centaines d’ampères…).
Il n’y a pas de soucis à se faire en ce qui concerne le Integrated Heat Speader (IHS, la petite plaque qui fait intermédiaire entre la puce en silicium et le radiateur) de votre processeur. En effet, celui-ci est fait à base de cuivre plaqué nickel. Ceci est due au fait que le cuivre a tendance à s’oxyder facilement, ce plaquage représente alors une protection pour le IHS de votre processeur. Pour reprendre l’explication de tout à l’heure, le nickel à un potentiel de -0.3V, nettement plus proche des -0.53V du Gallium et ainsi évitant toute sorte de corrosion (différence de 0.23V au lieu de 0.86V).
Il n’y a donc (pratiquement) aucun risque à utiliser de la pâte thermique au Galinstan avec un radiateur dont la base est en cuivre plaquée nickel. En ce qui concerne les radiateurs dont la base est en cuivre, ils sont à éviter dans le cas général car le cuivre a une fâcheuse tendance à se corroder de toutes façons (j’ai un vieux radiateur Cooler Master Vortex Plus dont les caloducs sont aujourd’hui rouillés, recouverts d’un plaquage de vert-de-gris). Je vous invite également à fabriquer ce genre de pâte chez vous car le Gallium, l’Indium et l’étain sont tous les trois des matériaux sans aucun danger pour la santé humaine et l’environnement. Référez-vous à Wikipédia pour obtenir la petite recette qui vous permettra de fabriquer vous-même la potion magique qui rendra votre PC très reconnaissant !
Inspiré et partiellement traduit de l’excellent article de Tischers sur le site Notebookreview.com
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Produit testé avec un AMD FX-8320 à 4.6 GHz sur les 8 c?urs et un Noctua NH-D14 avec deux ventilateurs NF-P12 PWM, températures obtenues via AIDA64 Engineer. Test d’effort réalisé avec charge synthétique avec AIDA System Stability Test, FPU et CPU. Température ambiante à 21°C sans fluctuation.
* Stannum est le latin pour “étain”
Edité le 17/03/2018 à 00:21