Le festival de création contemporaine de Toulouse et l’artiste Mounir Fatmi ont décidé d’arrêter la présentation d’une de ses oeuvres à cause de protestations de musulmans blessés de voir des passants marcher sur des versets du Coran projetés au sol, ont-ils indiqué mercredi.
Au coeur de la controverse: la projection de l’installation vidéo “Technologia” sur le sol du Pont-Neuf qui franchit la Garonne. Elle montre des cercles inspirés des “rotoreliefs” de Marcel Duchamp et tournoyant avec à l’intérieur des versets calligraphiés du Coran et des hadiths (paroles) du prophète de l’islam Mahomet.
L’installation a suscité des tensions mardi soir quand elle s’est, selon différents interlocuteurs, inopinément mise en marche alors qu’elle ne devait fonctionner que deux week-ends. Le dispositif de médiation prévu pour les week-ends n’était pas en place pour empêcher de marcher sur l’oeuvre ou pour l’expliquer.
[b]Des dizaines de personnes (60 à 80 selon la police) se sont rassemblées spontanément pour empêcher les piétons, nombreux sur le pont, de fouler les projections de lumière.
Selon la police, une jeune femme aurait été giflée pour avoir malencontreusement mis le pied sur les versets. Selon une manifestante au contraire, elle a été frappée parce qu’elle a délibérément marché sur les halos de lumière pour provoquer les participants au rassemblement.[/b]
Les manifestants ont fait appel à des jeunes des cités pour les soutenir. La police a, elle, déployé des hommes d’une unité spécialisée dans les interventions tendues. L’arrivée d’un imam et ses appels au calme ont permis une dispersion sans heurts.
[b]“On met le Coran par terre, c’est vraiment pas faisable”, s’est émue Charaza Boumzaa, 23 ans, qui a assuré dans un entretien avec l’AFP avoir été la première à se rendre compte à sa sortie du travail de ce qu’elle a appelé un “blasphème”.
“Les gens marchaient dessus, crachaient dessus. On leur expliquait gentiment, on leur disait que c’est notre religion, ils nous répondaient; on s’en fout”, a-t-elle dit.[/b]
Mounir Fatmi et le festival, intitulé Printemps de septembre et largement soutenu par la municipalité socialiste, ont décidé d’un commun accord de renoncer à la projection, dans un souci “d’apaisement”, ont-ils dit. Ils allèguent un “malentendu” sur l’interprétation de l’oeuvre, censée mettre en relation le monde musulman, où est né Mounir Fatmi, et le monde occidental.
Mounir Fatmi, dont les oeuvres ont déjà suscité la polémique ailleurs, vit et travaille entre le Maroc, la France et les Etats-Unis.
“Mon but ce n’est ni de choquer, ni de provoquer”, a-t-il dit, mais de tenter de s’approprier personnellement l’héritage islamique. Les conditions de compréhension de son oeuvre n’étant pas réunies, “je préfère la suspendre”.
Mounir Fatmi, Marocain “d’origine musulmane” selon ses mots, souligne quand même que l’oeuvre contestée appartient au musée d’art moderne de Doha au Qatar. Quand elle et une autre également montrée à Toulouse ont été présentées à Doha, “à quelques kilomètres de l’Arabie Saoudite, ça n’a pas choqué; que ça choque à Toulouse, je suis vraiment consterné, je ne comprends pas vraiment”.
Le directeur artistique Paul Ardenne souscrit à la volonté de “calmer le jeu”. Mais il s’inquiète que le retrait de la vidéo soit considéré comme la victoire d’une “attitude profondément anticulturelle”, voire de l’islamisme radical.
Les deux hommes s’accordent à dire que la protestation a fait son lit d’un “climat général tendu autour de l’islamisme”, et exacerbé à Toulouse par l’affaire Merah.
Mercredi, quelques dizaines de musulmans ont manifesté à la mairie pendant qu’une délégation était reçue par l’adjointe à la Culture. Après la rencontre, chacun parlait de “malentendu”. Les musulmans ont cru à une provocation, a dit le vice-président de l’Association musulmane de Toulouse, Hassan Idmiloud, mais “les responsables du festival se sont excusés de l’incident, et nous des débordements”.