Je mets l article complet du Parisien car je pense que ça intéressera des lecteurs de ce fil. S il y a un problème, les modos peuvent me le dire, je le retirerai mais je ne pense pas que ça pose de problème. Cette histoire est largement sous médiatisée en France alors qu il s agit d une première:
La chute de Jérôme, 24 ans, millionnaire en cryptomonnaies accusé de blanchir des bitcoins rançonnés
Geek solitaire et fin connaisseur des cryptomonnaies, Jérôme a bâti une fortune de 19 millions d’euros… qui vient d’être saisie. Ce Francilien soupçonné d’avoir blanchi des rançons d’un gang de pirates informatiques clame qu’il est innocent.
![Jérôme est entré sur le marché en 2014, il avait alors 16 ans. En 2017, il était devenu millionnaire.
Jérôme est entré sur le marché en 2014, il avait alors 16 ans. En 2017, il était devenu millionnaire. (Illustration) AFP/DANIEL MIHAILESCU
Par Florian Loisy et Damien Licata Caruso
Le 3 mars 2022 à 06h00
Petit sweat, casquette. Avec son look streetwear d’adolescent, Jérôme (le prénom a été changé), 24 ans, marche dans Paris aux côtés de son père dans le plus banal anonymat. Aucun signe extérieur de richesse. Et pourtant, celui qui n’avait que 16 ans lorsqu’il a commencé ses premiers investissements sur la Toile en 2015 est rapidement devenu multimillionnaire en cryptomonnaies : « Je suis monté jusqu’à 28 millions d’euros en 2021 avant de redescendre à 19 millions », se rappelle cet habitant des Hauts-de-Seine.
Devenu prêteur en crypto sur des plates-formes dédiées à cette fonction, il émargeait en moyenne à 80 000 euros mensuels, lorsqu’il a été arrêté par les policiers, en décembre.
« Je n’imaginais pas ce qu’il faisait devant son ordinateur »
Le père de Jérôme découvre alors que son fils est un homme d’affaires : « Je lui demandais même souvent de lâcher son écran pour aller se chercher un métier, je n’imaginais pas ce qu’il faisait devant son ordinateur, je croyais qu’il jouait. »
Mais aujourd’hui, cet argent, composé de différentes cryptomonnaies dont des Bitcoins, est aux mains de la justice. Car Jérôme est soupçonné d’être membre d’un gang qui opère un rançongiciel ( « ransomware » en anglais), ces voleurs qui effectuent des cyberattaques sur des entreprises et des collectivités. Après s’être introduits dans leurs systèmes informatiques, ces [hackeurs ] dérobent les données et chiffrent tout, bloquant ainsi tout accès aux serveurs et aux ordinateurs de la structure attaquée. Les assaillants demandent alors une rançon aux victimes en échange d’une clé de déchiffrement.
Les entreprises payent dans 20 % des cas, et toujours en cryptomonnaies, selon les études menées par les assureurs spécialisés. La France est le 3e pays le plus visé au monde, selon le dernier baromètre du ransomware de la société de cybersécurité ANOZR WAY.
Jérôme est, lui, suspecté d’être lié aux rançons demandées par le groupe Defray777/RansomExx à Soprema, Vallourec, Atlantic, une école d’ingénieurs et[ la Mutuelle nationale des hospitaliers]. Il est interpellé le 7 décembre 2021. « J’étais éberlué, je ne m’y attendais pas du tout », relate Jérôme, encore marqué. Et après avoir passé quatre jours en garde à vue, il a été mis en examen avant d’être remis en liberté, sous contrôle
« Je n’ai rien à me reprocher, alors j’ai collaboré pleinement, j’ai même donné tous mes codes d’accès sans lesquels les policiers n’auraient jamais pu accéder à mes comptes en crypto, rappelle-t-il. Et ils m’ont saisi tout mon argent : 19 millions d’euros répartis sur plusieurs comptes. Alors qu’ils ne s’intéressaient qu’à 4 Bitcoins (entre 130 000 et 180 000 euros selon le cours) qui seraient issus d’une rançon. C’est totalement injuste. » Son avocat Me Manuel Abitbol vient d’ailleurs de demander la main levée de la saisie. En vain.
Son « premier million » à la fac
« Des personnes comme lui, avec une petite mise de départ, devenues millionnaires grâce aux cryptomonnaies, il y en a des milliers, ça n’a rien de suspect, tempête Me Manuel Abitbol, son avocat. On lui reproche aussi d’avoir opacifié ses transactions. Mais c’est le principe même des cryptomonnaies. Dans ce cas, il faut légiférer et interdire la crypto en France. »
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Jérôme pointe aujourd’hui à Pôle emploi : « Mon contrôle judiciaire m’interdit toute activité en lien avec les cryptomonnaies, mais c’est justement ce que je sais faire le mieux, soupire le jeune homme. J’y ai passé mes jours et mes nuits non-stop ces dernières années. »
Ce geek s’est intéressé très jeune à la finance. « J’avais 16 ans en 2014 et après m’être bien renseigné, j’ai investi 10 000 euros en crypto, c’était tout l’argent de mes étrennes », confie-t-il. « Cela provenait aussi du décès de sa mère », précise le père de Jérôme. Mineur, il doit passer par des particuliers qui souhaitent se débarrasser de leur Ethereum (une des cryptomonnaies) qu’il rachète en leur donnant du cash de la main à la main.
« Je continuais mes études en parallèle, car pour les rares personnes à qui j’en parlais, la crypto, ça n’avait rien de sérieux », souligne-t-il. En 2017, en plein milieu de sa 2e année de droit, « j’ai obtenu mon premier million d’euros en monnaie virtuelle ».
Malgré tout, Jérôme ne profite pas de cet argent. Il reste dans la maison familiale dont il a hérité avec son petit frère, à la mort de sa mère. Son père, fonctionnaire en charge de l’entretien des routes, assure financièrement leur quotidien. « Du coup, j’ai été très joueur, spéculateur à l’extrême, reconnaît l’ex-étudiant. J’ai eu la chance que les cryptos explosent ces dernières années, notamment avec le Covid, quand les gens ont eu peur de l’effondrement du système réel. »
Vacances à Dubaï, montre de luxe…
« Mais quand j’ai approché les 30 millions, j’ai commencé à perdre, donc je me suis calmé, j’ai placé une grosse partie de mon argent sur des plates-formes où les gens qui veulent investir se fournissent en liquidité, détaille-t-il. Du coup, rien qu’avec les intérêts que je touchais de ces plates-formes, je gagnais environ 80 000 euros par mois. »
En 2020, il commence à se renseigner sur la manière de sortir ces cryptos et s’en servir. Il s’offre ainsi des vacances à Dubaï, achète depuis sa chambre un lingot d’or en ligne. « C’était une opportunité, je trouvais ça incroyable, j’étais dans une telle euphorie », sourit-il. Il s’offre sur un site spécialisé une Rolex estimée à plus de 30 000 euros. « C’est la mode, dans la communauté il y a beaucoup de collectionneurs de montres, confie-t-il. C’était mes premiers plaisirs. J’envisageais ensuite d’investir, dans des commerces ou de concrétiser tout cela. J’avais même pris rendez-vous avec un avocat fiscaliste pour sortir tout cet argent. C’était juste avant qu’on ne me saisisse toute ma fortune… »
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En effet, Jérôme ne passe pas souvent pas la « Bourse » classique des cryptos, il préfère le gré à gré. « J’ai fonctionné comme ça depuis le début quand j’étais encore mineur, et vu les grosses sommes que j’échange parfois, cela évite de faire fluctuer les cours », plaide-t-il. Sauf que début janvier 2021, il acquiert 28 Bitcoins (environ 900 000 euros) en les échangeant avec ses Monero. Et parmi les 28 Bitcoins, 4 sont « sales ».
Pisté par la Sécurité intérieure des États-Unis
Ils ont été tracés par les enquêteurs et proviennent d’une rançon versée à un gang dont le logiciel malveillant est très connu : il s’agit de Defray777 qui a attaqué plusieurs entreprises et [collectivités] les mois précédents. Jérôme, lui, dépose ses 28 Bitcoins sur une plate-forme légale, ce qui donne l’alerte.
En juillet 2021, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis (Homeland Security) contacte le parquet de Paris à propos de ce dépôt de cryptomonnaies de Jérôme. Il est finalement arrêté quelques mois plus tard. En garde à vue, il n’est pas capable de justifier la provenance de tout son argent, et vu qu’il communique principalement sur des applications chiffrées et parfois avec des interlocuteurs ayant pour pseudo Ransom (rançon en français), l’affaire semble entendue. « J’étais contacté, mais je n’ai pas fait de transaction avec eux et je n’ai jamais eu conscience que je récupérais de l’argent sale, assure l’ex-millionnaire. Sinon, je n’aurais pas échangé mes Monero qui sont intraçables avec des Bitcoins qui le sont. Je n’aurais pas déposé non plus cet argent sur une plate-forme officielle. Et surtout, je n’aurais pas donné mes codes d’accès aux enquêteurs. »
Laissé libre dans l’attente de son procès
Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité commenter une affaire en cours, surtout aussi sensible puisque Jérôme serait le premier « rançonneur » arrêté en France. « L’enquête débute seulement et aucun complice ou coauteur n’a encore pu être identifié car tout se déroule dans le darknet, avec des comptes anonymisés », a d’ailleurs justifié le parquet, qui souhaitait que le suspect soit placé en détention provisoire.
Libre, mais désormais sur la paille, Jérôme, considéré par la justice non seulement comme un receleur mais aussi comme un membre à part entière d’un gang de rançonneurs, attend la fin de l’enquête avant de pouvoir avancer ses arguments lors d’un procès qui ne devrait pas se tenir avant de longs mois…