http://ww.framasoft.org/article.php3?id_article=3737
[fixed]
Comment tuer lOpen Source dans un environnement graphique ?
Voilà un débat qui ne risque pas de sépuiser. Nous lavions abordé il y a bien deux ans maintenant du côté des utilisateurs [1]. Il avait ensuite rebondit (dans nos “colonnes”) avec deux textes soupesant le pour et le contre [2]. De quoi sagit-il ? Simplement de laffrontement de deux points vues concernant la création et la diffusion de logiciels Open Source sur un système dexploitation propriétaire…
Pour les uns, le développement de programmes libres sur un système dexploitation tel que Windows est contre-productif car il ne fait que renforcer la position dominante de Microsoft. Pour dautres, cest un formidable tremplin de découverte qui finira par convaincre les utilisateurs de passer du “bon côté de la force”, à savoir adopter un système dexploitation libre comme Linux ou BSD.
Aaron J. Seigo, programmeur sur KDE [3], appartient à la première catégorie. Inquiet du “gaspillage dénergie” que représente le développement de logiciels Open Source sur une plate-forme propriétaire, il a argumenté en détail les risques encourus selon lui par la communauté du libre dans un billet de son blog écrit le 08 décembre 2004.
Nous publions ici une traduction française de ce texte [4]. Elle sera suivie par la réaction dun responsable de KDE qui répond point par point aux inquiétudes de A. J Seigo.
Jai déjà évoqué de manière informelle les idées que vous êtes sur le point de lire, mais je pense quil est nécessaire de les souligner. Nous sommes à un tournant dans lhistoire du logiciel libre, et nous naurons peut-être pas loccasion de revenir en arrière, tandis que KDE, Mozilla et OOo font une percée déterminante sur win32.
Tout au long de votre lecture, veuillez garder à lesprit que mon propos nest pas de diaboliser le développement de logiciels pour Windows. Je parle exclusivement des logiciels libres adaptés pour Windows (et pour MacOS X également, dans une moindre mesure).
Les applications : la clé de la réussite
Toutes choses égales par ailleurs (ce nest pas le cas, mais cest une autre histoire), la grande majorité des utilisateurs choisit son système dexploitation en fonction des applications disponibles pour ce dernier.
Ce comportement nest pas modifiable, car cest grâce aux applications que lon obtient un résultat, que ce soit la création dune feuille de tableur où jouer à un jeu. Si les applications souhaitées par les utilisateurs sont disponibles sous Windows, ils resteront accrochés à Windows. Inversement, si les applications quils veulent nexistent que sous Linux/BSD, ils finiront par utiliser Linux/BSD.
En adaptant les logiciels libres à Windows, on augmente le nombre dapplications intéressantes sur cette plateforme. Puisque la disponibilité des applications est un facteur clé dans lutilisation dun système dexploitation, nous pouvons facilement poser léquation suivante : sil y a sous Windows les applications Microsoft en plus de toutes les applications libres tandis que les systêmes Linux, BSD, etc. ne bénéficient que des applications libres, pourquoi quiconque un tant soit peu raisonnable voudrait basculer vers Linux ou BSD (et encourir des coûts de formation et de migrations de données), alors quil a déjà toutes les applications dont il a besoin et toutes celles quil pourrait souhaiter devant lui ? Rien ne justifierait une telle migration. Rien. Donc personne ne le fera.
Pour comprendre ce qui se passe, considérons un exemple qui fait les gros titres daujourdhui : Firefox
Firefox : Permettre aux utilisateurs de Windows… dutiliser Windows
Je pense que nous sommes tous daccord pour dire que Firefox montre aux utilisateurs de Windows une échappatoire au cauchemar sécuritaire et au désert fonctionnel quest Internet Explorer de Microsoft. Du moins, Internet Explorer tel quil apparaît en 2004. Firefox fait cela tout en permettant aux utilisateurs de rester sur la plateforme Windows. En attendant, Microsoft ne transpose aucune application sur Linux/BSD, et il ne commencera pas de sitôt. Ainsi commence le déséquilibre des applications…
Observez les utilisateurs de Firefox sous Windows. Combien dentre eux déclarent « Je suis tellement impressionné que je vais passer à un environnement libre » ? Quasiment aucun. Nous sommes trop nombreux, dans la communauté de lOpen Source, à rester accrochés à un espoir naïf : que les consommateurs de technologie tirent les conclusions qui simposent. Or ces derniers nen ont aucune envie ou sont même incapables de le faire.
Plus nous transposerons de logiciels sous Windows, plus nous renforcerons le déséquilibre dapplications disponibles tout en encourageant lutilisateur paresseux à rester sous Windows. Si les utilisateurs avaient un choix à faire entre Windows et Linux (ou BSD) quand il est question davoir accès à de meilleures applications, ils se retrouveraient plus motivés à changer. Et ils changeraient.
Regardez : pourquoi pensez vous quApple investisse tant dans leur suite de programmes iApp ? Et pourquoi Apple était-il si hésitant à transposer [Itunes](http://www.clubic.com/telecharger-fiche11140-itunes.html) sous Windows ?
Ceci implique quil existe un côté négatif pour lOpen Source dès que les utilisateurs restent attachés à Windows. Quel est ce côté négatif ?
Le côté négatif
Aussi longtemps que Microsoft peut garder les gens sous Windows, ils auront le temps nécessaire à lamélioration de leurs applications et surtout de la couche logicielle primaire. Cette couche intègre le noyau, les librairies système et les composants dapplication qui permettent à leurs propres logiciels de sintégrer et de sexécuter mieux que ceux de la concurrence. Ils procédaient déjà ainsi auparavant pour couper lherbe sous le pied de concurrents comme Lotus 1-2-3 et DR-DOS et ils le feront encore. Cest trop facile et trop évident pour ne pas être fait.
Comme Firefox prend des part de marché à IE, Microsoft ne répondra pas uniquement avec des innovations pour Internet Explorer mais également en investissant dans le système dexploitation et lenvironnement qui permettront à Internet Explorer de prendre un avantage incontestable sur Firefox. Les gens se tourneront une fois de plus vers IE, et Firefox vivra la même débandade qua connu Netscape. Pire, le projet Mozilla ne sera pas capable dorganiser une réponse significative car ils nont pas accès au terrain de jeu (la couche logicielle primaire) sur lequel Microsoft les aura battu. Vous ne pouvez faire un match sur un terrain de jeu dont vous navez pas laccès.
Cest pourquoi Firefox a besoin de Linux/BSD pour survivre à long terme : nous nessayons pas de tuer Firefox, mais surtout nous navons pas la possibilité de tuer Firefox même si nous le voulions.
Avec Windows, cest une autre histoire. Aussi longtemps que Microsoft contrôlera lensemble de la technologie Windows (et ils ne sen dessaisiront jamais) ils auront lultime possibilité décraser à loisir la concurrence de tout logiciel tiers qui sortira sous Windows. Puisque les souffrances de millions dutilisateurs Windows sont atténuées par lutilisation de Firefox, on a donné à Microsoft les coudées franches dont ils ont besoin pour améliorer leurs produits, sans que les utilisateurs éprouvent le besoin de quitter lenvironnement Windows le temps de ces améliorations.
En rendant des logiciels compatibles avec Windows, on élimine la majeure partie de lavantage compétitif des environnements libres aux yeux de lécrasante majorité des utilisateurs ; pendant ce temps Microsoft a tous les atouts dont il a besoin pour nous claquer de nouveau la porte au nez. Nous avons baissé notre garde pendant que nous consacrions nos efforts à renforcer les positions de notre adversaire.
Pendant ce temps, nous nous tirons une balle dans le pied…
Ce qui rend la situation encore plus dramatique, cest quen aidant les gens à rester sous Windows, nous amenuisons les chances de les voir simpliquer et de contribuer en retour pour la Communauté. Ceci parce que les outils pour ce faire sont relativement rares sous Windows. Combien dutilisateurs Windows possèdent des debuggers, des compilateurs, ou même reçoivent des incitations à « être impliqué et contribuer » de la part de leur distributeur principal de logiciel (Microsoft) ? Pour comble, des ressources qui pourraient être utilisées pour rendre les applications Open Source plus attrayantes sont gaspillées à rendre Windows plus attrayant en lui offrant les meilleurs logiciels.
Microsoft nous doit un grand « merci » quand on y pense : nous leur donnons lopportunité de réagir sur le terrain de jeu où ils sont les plus efficaces tandis que nous limitons nos propres ressources.
Qui a besoin damis ?
Cette « stratégie » assure aux environnements libres de ne rester quà 5 % de part de marché. Ceci se traduit aussi par un intérêt négligeable des éditeurs de logiciels pour les environnements Linux/BSD. Par conséquent, ceci veut dire moins de logiciels, ce qui implique encore moins de raisons pour les gens dutiliser des systèmes dexploitation Open Source. Entendez-vous sapprocher le bruit des dominos qui sécroulent en chaîne ?
Les Logiciels Libres adaptés à Windows représentent une situation sans issue pour lOpen Source, mais les environnements Open Source basés sur des systèmes dexploitation Libres sont la solution. Cest maintenant à nous de choisir notre chemin et de le choisir soigneusement.
Aujourdhui, je contemple kdelibs/win/ et je me sens de plus en plus concerné.
[/fixed]
Je rajouterai enfin que le passage de nombreux site sous Linux/BSD s’est fait a une époque ou le meilleur serveur internet du moment (Apache) n’était pas disponible sous d’autres plateformes que les plateformes libres…